ANALYSE DÉTAILLÉE
Lawrence S. Maisel, Robert J. Zwerling et Jesper H. Sorensen
Les cadres dirigeants Lawrence S. Maisel, Robert J. Zwerling et Jesper H. Sorensen considèrent que l’intelligence artificielle appliquée à l’analyse des données représente une formidable opportunité de développer des outils, des techniques et des processus métier permettant de mieux appréhender les modèles, les corrélations et les tendances au sein des entreprises. Dans leur livre AI-enabled analytics for business: A roadmap for becoming an analytics powerhouse, ils proposent une feuille de route pour stimuler et intégrer l’intelligence artificielle dans l’analyse des données des entreprises.
L’intelligence artificielle existe depuis plus de 75 ans. Le mathématicien Alan Turing avait déjà exploré la faisabilité mathématique de l’IA et suggéré que, si l’on admettait que « les humains utilisent les informations disponibles et la raison pour résoudre des problèmes et prendre des décisions », les machines pourraient également accomplir ces tâches. Cette idée fut au cœur de son article intitulé « Computational Machinery and Intelligence », dans lequel il envisage, dès 1950 déjà, la construction d’appareils intelligents et de tester leurs connaissances.
Qu’entend-on alors par intelligence artificielle ? Au sens large, c’est la capacité d’une machine à prendre des décisions jusque-là réservées à l’humain. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? À quoi ressemble l’IA et comment transformera-t-elle nos vies et notre société ?
Tôt ou tard, l’IA s’imposera dans toutes les entreprises. Toutefois, le rythme de cette intégration dépendra en grande partie des connaissances et de la compréhension des dirigeants en matière d’IA et d’analyse de données. Et c’est là que se situe le fossé entre les entreprises pionnières, qui ont déjà adopté cette technologie, et les autres.
De nombreux dirigeants manquent d’une vision claire et d’une stratégie bien définie pour mettre en œuvre l’IA dans leur entreprise, division, groupe ou département
Les déploiements de l’intelligence artificielle commencent à peine et, pour l’instant, les projets se concentrent sur des tâches et des domaines spécifiques au sein des entreprises. Et bien que la tendance à intégrer des analyses avancées soit positive, les échecs sont actuellement plus fréquents que les réussites. La bonne nouvelle, c’est que les erreurs en IA et en analyse sont largement évitables.
De nombreux dirigeants manquent d’une vision claire et d’une stratégie bien définie pour mettre en œuvre l’IA dans leur entreprise, leur division, leur groupe ou leur département. D’autres pensent comprendre son potentiel, mais utilisent souvent une terminologie ou des concepts mal définis concernant l’analyse de données. Leur première réaction est de faire appel à des consultants et de s’équiper de logiciels d’IA, sans vraiment saisir comment ces analyses seront utilisées pour prendre des décisions.
On entend souvent lors des conseils d’administration des plaintes telles que « nous avons besoin de meilleures prévisions », « quel est le moteur de notre activité ? » ou « nous devons agir plus intelligemment ». Mais comment y parvenir ? De nombreux dirigeants ont lu des masses de rapports de cabinets de conseil sur les « quoi » faire, mais le « comment » reste flou. C’est pourquoi un grand nombre d’entreprises sont à la traîne quant à l’adoption de l’IA et de l’analyse des données.
L’IA et le machine learning : des concepts proches, mais différents
« L’intelligence artificielle » et le « machine learning » sont deux concepts qui reviennent sans cesse et qui sont utilisés, parfois, de manière interchangeable, mais bien qu’ils soient étroitement liés, ils ne désignent pas la même chose. L’intelligence artificielle est un ensemble de capacités permettant à une machine de prendre des décisions qui relèvent habituellement de l’intelligence humaine. L’apprentissage automatique (machine learning), quant à lui, correspond à un des moyens d’y parvenir, il fait donc partie de l’IA. Ainsi, tout apprentissage automatique est de l’IA, mais toute intelligence artificielle n’est pas du machine learning.
L’apprentissage automatique repose sur des algorithmes, c’est-à-dire des modèles mathématiques, utilisés par les machines pour exécuter des tâches spécifiques sans instructions explicites, souvent sur la base de modèles et d’inférences. Une autre forme d’IA très avancée est celle des réseaux neuronaux artificiels, qui reproduisent la structure des synapses du cerveau.
Les dernières avancées en matière de machine learning
L’apprentissage automatique nécessite des compétences techniques pour son utilisation et sa mise en œuvre. Il est souvent combiné avec d’autres outils pour faciliter la prise de décision. Imaginons par exemple qu’une banque souhaite augmenter le nombre de prêts accordés sans aggraver le profil de risque de son portefeuille. Pour ce faire, elle pourrait se servir du machine learning pour faire des prévisions, puis intégrer les résultats dans un tableur et informer les nouveaux clients de l’acceptation de leur demande.
Les projets d’apprentissage automatique de grande envergure impliquent souvent la collaboration entre des experts en science des données, des développeurs, des administrateurs de bases de données et des développeurs d’applications. Par ailleurs, l’entraînement des modèles de machine learning nécessite de gros volumes de données de haute qualité, une exigence qui bloque 80 % des projets liés à cette forme d’IA.
Malgré sa popularité et sa puissance, le machine learning n’est pas facile à appliquer. De nombreux nouveaux logiciels facilitent son exploitation, mais il reste encore essentiellement réservé aux experts en science des données. Prenons l’exemple d’un e-commerçant souhaitant estimer le nombre d’utilisateurs qui passeront commande et ceux qui quitteront le site web sans finaliser leur achat. Ce processus comporte plusieurs étapes, dont la collecte et la préparation des données, la sélection et la programmation de l’algorithme, l’entraînement du modèle, les tests et enfin sa mise en production. Tout erreur à l’une de ces étapes entraîne une relance du processus ou un retour en arrière.
Malgré sa complexité, le machine learning offre une large palette d’applications à forte valeur commerciale
L’une des limites de l’apprentissage automatique est l’impossibilité, dans la plupart des cas, de transférer un modèle à une autre entreprise semblable ou à un autre service au sein de la même entreprise. Et comme mentionné précédemment, ils nécessitent souvent d’autres outils pour permettre l’exploitation des résultats par les dirigeants.
Malgré sa complexité, le machine learning offre une large palette d’applications à forte valeur commerciale, telles que la prédiction du churn (perte de clients), du nombre de contrats de vente qui seront conclus dans les 60 prochains jours, des médicaments les plus susceptibles d’être approuvés, du nombre de nouveaux acheteurs si une remise de 5 % est proposée, ou encore la prévision de la demande.
Nous vivons actuellement une période de bouleversements passionnants. Les entreprises s’efforcent de gagner en productivité et, par conséquent, d'améliorer la qualité de vie de chacun. L’invention de l’électricité et du moteur à combustion a radicalement transformé la société au début du XXe siècle, apportant d’immenses bénéfices à l’humanité. L’IA, quant à elle, entraînera des transformations encore plus profondes qui marqueront les générations futures.