Le métavers : quel impact pour l’industrie et la logistique ?
Le métavers est un néologisme faisant référence à ce qui pourrait être la prochaine révolution de l’internet : la consolidation d’univers virtuels offrant à l’utilisateur une expérience multisensorielle grâce à de nouveaux appareils connectés. Cette nouvelle tendance digitale combine des technologies telles que la réalité virtuelle, la blockchain, l’intelligence artificielle et l’internet des objets (IoT) pour offrir des expériences immersives.
Le métavers s’impose progressivement comme un environnement alternatif d’interaction entre les entreprises et leur public cible. Des entreprises non technologiques comme la multinationale espagnole du retail Zara, la banque japonaise SoftBank Group ou le studio américain Disney ont suivi les pas de Microsoft, Apple ou encore Nvidia.
En effet, le métavers est sous les projecteurs de la technologie. Comme le souligne le cabinet de conseil américain Gartner dans son étude Predicts 2022 : 4 technology bets for building the digital future, une personne sur quatre dans le monde passera au moins une heure par jour dans le métavers à partir de 2026. Gartner prévoit également que, d’ici quatre ans, 30 % des organisations du monde entier proposeront leurs produits et services dans le métavers.
Les applications du métavers dans l’industrie
Le métavers est un environnement interactif et décentralisé, c’est-à-dire qu’il n’a pas de propriétaire unique. Il garantit une réalité persistante, ce qui signifie que la temporalité de l’environnement n’est pas altérée lorsque l’utilisateur se déconnecte de la plateforme. Grâce aux particularités de ce nouveau scénario virtuel, un passage de l’univers des loisirs et des jeux vidéo vers le domaine de la logistique et de l’industrie est envisageable.
Mais comment le métavers pourrait-il impacter l’industrie ? Cette nouvelle tendance du digital permettrait de réduire les coûts d’exploitation, de simuler les méthodes de production ou de mettre en œuvre des moyens de communication innovants avec les fournisseurs, les partenaires ou les clients.
C’est le cas d’Omniverse, le nouvel environnement numérique créé par le fabricant de processeurs graphiques Nvidia. Cet outil virtuel ouvert s’appuie sur l’intelligence artificielle et les jumeaux numériques pour développer des solutions visant à améliorer la communication entre les équipes et la productivité. Selon Jensen Huang, PDG de Nvidia, « Omniverse permet de créer et de simuler des univers virtuels 3D partagés qui obéissent aux lois de la physique. Les applications directes d’Omniverse sont incroyables : connecter des équipes de conception pour une collaboration à distance ou simuler des jumeaux numériques d’usines et de robots ».
L’une des premières entreprises à utiliser la plateforme Omniverse de Nvida est le constructeur automobile allemand BMW, qui s'est servi du le nouvel environnement virtuel pour construire une réplique interactive, numérique et précise de ses usines de production. Le logiciel intègre une large gamme d’applications permettant de planifier simultanément et en temps réel les différents réseaux de production de l’entreprise. Lors de la présentation du projet, Milan Nedeljković, membre du conseil de production de BMW, a déclaré que « à l’avenir, la représentation virtuelle de notre réseau de production nous fournira une approche innovante et intégrée de nos processus de planification. Omniverse améliore considérablement la précision, la rapidité et, par conséquent, l’efficacité de nos processus de planification ».
L’exemple de BMW n’est qu’un autre exemple d’entreprise cherchant à optimiser ses processus grâce à des technologies comme l’IoT ou le machine learning. Cependant, la clé réside dans la connectivité. Le déploiement progressif du réseau 5G à haut débit avec une latence quasiment nulle permet de faire tomber la barrière entre la simulation et la réalité, pour des expériences immersives et multisensorielles.
Le métavers pourrait ouvrir la voie non seulement à des processus de production plus rentables, mais aussi à des opérations logistiques plus efficaces. Dans le rapport All one needs to know about metaverse: A complete survey on technological singularity, virtual ecosystem, and research agenda, les experts soulignent la symbiose entre les jumeaux numériques et le métavers pour améliorer la robotisation industrielle : « Il faut savoir que les jumeaux numériques et le métavers peuvent servir de terrain d’essai virtuel pour les nouvelles conceptions de robots. Les jumeaux numériques, qui sont des copies numériques de nos environnements physiques, permettent aux concepteurs de robots et de drones d’étudier l’acceptation par les utilisateurs de nouveaux robots.
Ce nouvel environnement virtuel pourrait également offrir au consommateur une meilleure visibilité de la chaîne d’approvisionnement, car il pourrait contribuer à la simulation de processus tels que la production, le transport ou le stockage, pour obtenir une traçabilité totale des produits. C’est ce qu’anticipe le PDG de Relife Metaverse, Liew Voon Kiong, dans son livre Metaverse made easy : « Les clients du métavers auront une meilleure visibilité des processus de la chaîne d’approvisionnement grâce à des représentations 3D montrant comment les produits sont créés, distribués et commercialisés ».
Un business qui se chiffre en millions
Une étude du Boston Consulting Group (BCG) prévoit que le volume du marché du métavers pourrait atteindre un taux de croissance annuel de 40 % d’ici 2030, dépassant une valeur globale de 1 300 milliards de dollars. La croissance prévisionnelle du métavers n’est pas seulement due à la démocratisation des technologies qui le façonnent, mais aussi à un changement de mentalité. L’étude du BCG signale que 65 % des personnes de la génération Z ont acheté au moins un produit virtuel n’existant que dans le scénario d’un jeu vidéo.
La possibilité de commercialiser des biens et des objets, qu’ils soient réels ou virtuels, a encouragé l’industrie à développer de nouvelles voies commerciales avec l’introduction des crypto-monnaies ou des NFT ─ jetons non fongibles ─, des certificats numériques d’authenticité permettant d’identifier de manière unique les produits avec leurs propriétaires. Les crypto-monnaies et les NFT, tous deux basés sur la blockchain, pourraient fournir un nouvel environnement virtuel dans lequel vendre des biens, acheter des terrains ou développer des activités économiques et industrielles. Cette économie numérique ouvre une nouvelle porte aux entreprises : dans un contexte omnicanal, elles pourraient digitaliser des gammes de produits que l’utilisateur achèterait soit dans le métavers seulement, soit dans la vie réelle, soit dans les deux. C’est ce que l’on appelle la finance décentralisée. Les auteurs de l’étude Artificial intelligence for the metaverse: a survey de l’université Kyung Hee en Corée du Sud ainsi l’affirment : « En intégrant la finance décentralisée dans le metavers, les utilisateurs peuvent acheter dans le monde digital des produits virtuels identifiés par des NFT virtuels pour les recevoir dans la vie réelle ».
Le métavers pourrait révolutionner le e-commerce
Dans la course au leadership en matière de technologie métavers, les projets des principales marques technologiques mondiales telles que Meta ─ ex-Facebook ─, Microsoft, Apple et Google, se distinguent. En effet, cet univers pourrait non seulement révolutionner l’industrie et la logistique, mais aussi l’interaction entre les entreprises et les clients.
Le métavers offre un potentiel capable de combler le fossé entre le e-commerce et le commerce traditionnel, en transformant l’expérience d’achat à travers des catalogues statiques et des simulations en temps réel de vêtements comme de biens. Ce nouvel internet faciliterait un changement de paradigme dans l’expérience utilisateur, qui serait en mesure d’acheter des produits non seulement en D2C (direct-to-costumer), mais aussi en D2A (direct-to-avatar).
La réalité augmentée est l’une des technologies centrales du métavers. Selon l’étude The rich, untapped future of augmented reality for customer experience, réalisée par Snapchat et Deloitte, trois utilisateurs des réseaux sociaux sur quatre utiliseront la réalité augmentée d’ici 2025.
Cette technologie pourrait jouer un rôle clé dans le virtual shopping, c’est-à-dire dans l’expérience d’achat e-commerce. Le géant chinois du commerce électronique Alibaba est l’un des premiers à confirmer son pari sur le métavers. Il a récemment financé un cycle d’investissement à 60 millions de dollars par la startup Nreal, fabricant de lunettes de réalité augmentée.
Mais Alibaba n’est pas la seule entreprise à expérimenter les canaux de vente offerts par le métavers. La multinationale américaine Amazon a récemment lancé Amazon View, une nouvelle fonctionnalité permettant aux utilisateurs de décorer leur maison virtuellement avec des produits disponibles sur la marketplace. Tout cela grâce à la réalité augmentée.
Les applications du métavers dans le e-commerce sont de plus en plus proches de devenir une réalité. Les grandes marques du retail ont lancé leurs collections de mode virtuelles sur Zepeto, un métavers où chaque utilisateur crée son propre avatar à partir d’une photographie et peut interagir avec son environnement. Zepeto signifie le passage au métavers de marques telles que Zara, Gucci o Balenciaga, qui permettent aux utilisateurs d’habiller leurs avatars grâce à des achats in-app.
Comment le métavers est-il construit ?
Le métavers est un espace de communication dans lequel les nouvelles technologies se combinent les unes aux autres pour faciliter une expérience immersive. Comme le décrivent les auteurs de l’étude Will metaverse be nextG internet? Vision, hype, and reality de l’Université George Mason, aux États-Unis, « les utilisateurs équipés d’appareils supportant la réalité étendue accèdent au métavers et participent à une diversité d’événements sociaux. Le fonctionnement sans faille étant possible grâce à des technologies telles que la 5G et l’IHM (interaction homme-machine) ».
Mais ces technologies ne sont pas les seules dans le métavers : « Le contenu peut être commercialisé via des jetons non fongibles (NFT) par le biais d’une blockchain décentralisée. Les objets réels peuvent être reproduits dans le métavers en forme de jumeaux numériques générés par la modélisation 3D, puis consommés par le biais de dispositifs de réalité étendue assistés par l’intelligence artificielle », affirment les experts.
La conjonction des technologies permet ainsi de créer et de développer un métavers interactif soumis à des lois physiques analogues à celles de la réalité. La simulation étendue permet aux utilisateurs d’accéder, avec leurs avatars, à une réalité permanente où la déconnexion physique de la plateforme n’interrompe pas la temporalité virtuelle.
Le métavers, un portail vers l’industrie digitale
Le métavers est susceptible de jouer un rôle important dans les innovations technologiques pour l’optimisation des usines, des entrepôts et des centres de distribution. La combinaison de technologies telles que la réalité virtuelle, la réalité augmentée ou les jumeaux numériques pourrait contribuer à la simulation de nouvelles méthodes de production, de différentes stratégies de planification logistique ou de communication avec le consommateur.
Tout cela dans le but de simuler des scénarios virtuels afin d’optimiser les processus physiques ou de développer de nouvelles activités. En ce sens, de plus en plus de multinationales de secteurs variés font des expériences avec ce nouvel environnement virtuel. À l’exemple des usines de BMW sur la plateforme Omniverse de Nvidia, il faut ajouter le pari de Hyundai sur Roblox ─ permettant à l’utilisateur d’expérimenter les solutions de mobilité urbaine de l’entreprise ─ ou la naissance de Nikeland, la boutique de la multinationale américaine dans le métavers qui a déjà reçu plus de 7 millions de visites en moins de cinq mois d’existence.